CALAIS
par Frédéric Pinchon
La vente de gilets de sauvetage dans un Decathlon de Calais fait polémique. Des maires des Hauts-de-France dénoncent une pratique. Selon eux, elle facilite les traversées clandestines de la Manche. Deux élus du secteur, interrogés sous couvert d’anonymat, pointent du doigt l’accessibilité de ces équipements.

« C’est inadmissible ! Des magasins vendent des gilets de sauvetage sans contrôle. Des réseaux clandestins les utilisent pour encourager des traversées périlleuses », dénonce l’un d’eux. L’autre élu ajoute : « Ces gilets deviennent des outils pour les passeurs. Ils les revendent à prix d’or aux migrants. »
Pour en savoir plus, cap sur 2 deux magasins Decathlon de Calais. L’objectif de la démarche est de se faite passer pour un migrant cherchant à traverser la Manche. Dans le premier magasin, un vendeur, méfiant, répond : « On vend des gilets de sauvetage pour la pratique légale de la voile ou de la plongée. Vous n’en aurez pas pour des traversées illégales. »
Direction Decathlon !
Dans le second établissement, un autre employé a été plus direct : « On ne demande pas l’usage que vous en ferez. Sachez que ces gilets ne sont pas conçus pour des traversées en mer ouverte. » Une cliente, témoin de l’échange, a réagi : « C’est choquant de voir que ces gilets peuvent être utilisés pour des activités aussi dangereuses. »

Decathlon, contacté officiellement, assure respecter la législation en vigueur. L’entreprise rappelle que ses gilets de sauvetage sont destinés à des activités sportives ou de loisirs. « Nous ne pouvons pas contrôler l’usage qui en est fait après la vente », précise un porte-parole. Pourtant, des associations locales affirment que ces gilets sont souvent détournés de leur usage initial. « Les passeurs les achètent en gros et les revendent aux migrants, parfois à des prix exorbitants », explique un bénévole d’une ONG.
Dans les rues de Calais, les avis sont partagés. Marie, une habitante de 45 ans, est catégorique : « Donner des gilets de sauvetage, c’est encourager ces traversées. C’est dangereux pour eux et ça coûte cher à la société. On ne peut pas fermer les yeux sur les risques encourus par ces personnes. Il faut aussi dissuader ces traversées illégales. » À l’inverse, Jean, un retraité de 68 ans, estime que « sauver des vies doit primer. Si des gens risquent leur vie en mer, il faut au moins leur donner une chance de survivre. On ne peut pas les laisser mourir. »
Quand les avis divergent
La question divise profondément. D’un côté, les défenseurs des droits de l’homme plaident pour une approche humanitaire. « Ces gens fuient la guerre, la misère ou la persécution. Leur refuser un gilet de sauvetage, c’est les condamner à une mort certaine », argue une militante associative. De l’autre, les élus locaux et une partie de la population, dénoncent un appel d’air pour les réseaux de passeurs. « Ces traversées sont devenues un business juteux. Les gilets de sauvetage en font partie », insiste un élu.

Le contexte politique n’arrange rien. Les traversées clandestines ont atteint un record en 2024. Plus de 50.000 personnes ont tenté la traversée,. Les gouvernements français et britannique peinent à trouver des solutions durables. Les patrouilles côtières ont été renforcées. Reste que les passeurs s’adaptent sans cesse. « Ils utilisent des canots pneumatiques surchargés, souvent sans gilets de sauvetage ou avec des équipements de mauvaise qualité », explique un officier des douanes.
Un vaste débat…
Entre sécurité et humanité, le débat reste ouvert. Faut-il interdire la vente de gilets de sauvetage à Calais ? Pour certains, c’est une mesure nécessaire pour dissuader les traversées. Pour d’autres, c’est une solution simpliste qui ignore la complexité du problème. « Interdire les gilets ne résoudra rien. Il faut s’attaquer aux causes profondes de ces migrations : la pauvreté, les conflits et le changement climatique », conclut un expert en migration.
En attendant, les gilets de sauvetage restent en vente libre à Calais et les traversées clandestines continuent. La Manche, frontière naturelle entre la France et le Royaume-Uni, reste un cimetière marin pour trop de rêves brisés.
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