Enquête

par Frédéric Pinchon

Le débat est relancé par LFI sur le rôle et les méthodes des forces de l’ordre dans la capitale des Flandres. Le 31 janvier dernier, Aurélien Le Coq, député La France insoumise pour la première circonscription du Nord, a adressé une lettre ouverte au préfet. Le courrier est co-signé par 2 collègues parlementaires nordistes (cf Valeurs actuelles du 3 février 2025). Les élus LFI réclament la dissolution de la Brigade anti-criminalité (BAC) de Lille. Ils l’accusent d’avoir “exercé une répression disproportionnée lors d’une manifestation spontanée (ndlr : non déclarée en préfecture) en juillet 2024”.

La BAC lilloise dans l’action dans les rues lilloises.

Cet événement avait suivi les résultats du second tour des élections législatives, marqué par une forte tension politique. Dans sa lettre, Aurélien Le Coq dénonce “des violences policières commises par des agents de la BAC de Lille”. Il affirme que plusieurs participants ont été victimes “d’une intervention excessive et injustifiée”. Un détail interpelle : les agents de la BAC auraient porté des casques sans numéro d’immatriculation visible. Selon le député Le Coq, “cela entrave toute possibilité de recours ou de contrôle citoyen”.

Un militant grièvement blessé

Lors de cette manifestation non déclarée, un militant de La France insoumise a été blessé. Selon la lettre du député LFI au préfet, “il y a eu une incapacité temporaire totale de trente jours. Cela témoigne de la gravité des blessures infligées”. Aurélien Le Coq estime que ces actes constituent une violation de l’article 222-12 du code pénal : “La loi réprime les violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours. La justice prévoit des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende”.

Dans une lettre adressée au préfet du Nord, le député LFI, Aurélien Le Coq, veut la dissolution de la BAC de Lille. Enquête.
La BAC n’a pas toujours bonne réputation mais protège la population.

Une enquête a été ouverte par le parquet de Lille. Les policiers ont été auditionnés. Dernièrement, le procureur de la République a classé l’affaire. Sa décision peut expliquer la dissolution de la BAC de Lille, réclamée par Aurélien Le Coq, au préfet du Nord. Dans sa lettre, il écrit aussi : « La violence policière ne peut pas rester impunie (…) La BAC de Lille a perdu toute légitimité”. Pour mieux comprendre les événements de juillet 2024, les témoignages de 2 participants à la manifestation de juillet 2024, ont été recueillis.

Dans une lettre adressée au préfet du Nord, le député LFI, Aurélien Le Coq, veut la dissolution de la BAC de Lille. Enquête.
La BAC intervient sur les manifestations non déclarées.

Selon Marie, 28 ans, enseignante à Roubaix, “Ce jour-là, tout a basculé vite. La manifestation était pacifique. Soudain, la BAC est arrivée en force, sans sommation. Ils ont commencé à frapper les gens avec des matraques et à lancer des gazs lacrymogènes. Je n’ai pas vu de numéro sur leur casque. J’ai eu peur”. Même son de cloche pour Karim, 34 ans, ouvrier à Seclin : « Je me souviens de la panique générale. Les policiers chargeaient. J’ai essayé de protéger une femme qui était au sol mais un agent m’a frappé à l’épaule. C’est honteux !”.

Alternative police CFDT offusqué

Il existe plusieurs syndicats de la police nationale dans le pays. Un seul a accepté de répondre à la presse. Benjamin Camboulives, 40 ans, est basé à Paris. Il est porte-parole en France d’Alternative police CFDT. “La BAC souffre parfois d’une mauvaise réputation mais sa mission est difficile. C’est surtout le cas lors d’une manifestation non déclarée et qui dégénère, comme celle de LFI, en 2024. La problématique a commencé par le fait de refuser de quitter la manifestation. Les collègues font preuve de courage. Force doit rester à la loi”, a-t-il expliqué, mardi soir.

Et d’ajouter : “Si il y avait eu des débordements policiers, ils auraient été réprimés”. Benjamin Camboulives s’interroge : “Est-ce qu’Aurélien Le Coq demande la suppression pure et simple de la BAC de Lille ou une épuration de l’effectif policier ?” Pour le savoir, la rédaction a tenté, en vain, de joindre le parlementaire.

Dans une lettre adressée au préfet du Nord, le député LFI, Aurélien Le Coq, veut la dissolution de la BAC de Lille. Enquête.
La BAC fait partie de la police nationale.

Dans un tract de 2 pages, diffusé hier, Alternative police CFDT “demande plus de respect de la part des députés LFI”. On lit encore en première page : “Notre syndicat s’offusque des propos tenus contre les collègues de la BAC de Lille (…) Ils sont mis hors de cause par la justice lilloise”. Benjamin Camboulives conclut : “La BAC n’intervient que dans le cadre des manifestations non déclarées. Ses policiers ne sont pas préparés ni équipés comme des CRS. Ils interviennent dans l’urgence. Il y a davantage de risques de heurts”.

93 policiers à la BAC lilloise

Rendons à César ce qui lui appartient. La Brigade anti-criminalité a été créée en 1999. C’était dans un contexte de montée de l’insécurité et de la délinquance urbaine. Lille, comme d’autres grandes villes, faisait face à une hausse des incivilités et des cambriolages. Le Nord était classé 2e département le plus violent de France, en 2020. Aujourd’hui, 5.200 policiers servent au sein de 250 BAC en France.

Dans une lettre adressée au préfet du Nord, le député LFI, Aurélien Le Coq, veut la dissolution de la BAC de Lille. Enquête.
Depuis sa création la BAC lilloise a un beau bilan derrière elle.

L’unité lilloise s’est illustrée par des interventions spectaculaires. Ainsi, en 2005, elle a démantelé un réseau de trafic de stupéfiants dans le quartier de Fives. Une dizaine d’individus avait été interpellée et plusieurs kilos de drogue saisis. Ces actions ont renforcé sa réputation d’efficacité. Ses exploits ont aussi suscité des débats sur ses méthodes. Parfois, elles sont perçues comme brutales.

2.200 interpellations en 2024

Aujourd’hui, la BAC de Lille ne chôme pas. Interrogé hier soir, un commissaire de nuit, sous couvert d’anonymat, communique des chiffres récents : « En 2024, les 93 policiers de la BAC de Lille ont procédé à 2.200 interpellations. 90 kilos de stupéfiants ont été saisis. Il y a eu 110 interpellations pour violences conjugales et 125 pour vols avec effraction”. On apprend encore, via cette source officielle, que “la BAC lilloise a arrêté 110 malfaiteurs soupçonnés de vols. 40 enquêtes pour viols et agressions sexuelles ont abouti”. La demande de dissolution de la BAC de Lille suscite des réactions contrastées. Certains soutiennent la démarche d’Aurélien Le Coq. Pour d’autres, elle risque d’affaiblir la lutte contre la criminalité. Le préfet du Nord n’a pas répondu à la lettre ouverte du député LFI.

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