SHOAH

par Frédéric Pinchon

Ce 27 janvier 2025 marque les 80 ans de la libération d’Auschwitz-Birkenau par l’Armée rouge. Le camp, situé dans la Pologne occupée, est devenu le symbole mondial de la Shoah. Plus d’un million de Juifs, des Tziganes, des prisonniers politiques et des homosexuels, y périrent.

Le 25 janvier 2025 est le 80e anniversaire de la découverte d'Auschwitz-Birkenau.
A la libération d’Auschwitz-Birkenau, des petits prisonniers montrent les bras tatoués.

Mais qu’en reste-t-il aujourd’hui dans les mémoires collectives ? Pour le savoir, promenons-nous dans les rues de Lille, Lens, Arras et Douai. Objectif : interroger des passants sur leur connaissance de cette sombre période de l’Histoire.

La mémoire s’efface ?

À Lille, dans une rue commerçante animée, rencontre avec Claire, 24 ans et étudiante en lettres. « Je sais qu’Auschwitz est un camp de concentration. Je ne pourrais pas dire quand il a été libéré ni combien de personnes y sont mortes », admet-elle. À ses côtés, Hugo, 26 ans, précise : « On a étudié la Seconde guerre mondiale au collège. Pourtant ce genre de cours ne m’a pas marqué. C’était loin de nous. »

Le 25 janvier 2025 est le 80e anniversaire de la découverte d'Auschwitz-Birkenau.
Les trains déchargeaient les déportés devant les fours crématoires.

Cette distance temporelle semble peser sur la transmission. Beaucoup des jeunes interrogés évoquent une connaissance floue. Souvent, elle est limitée à quelques clichés, vus dans des films ou documentaires. L’importance de cette journée semble leur échapper.

Le poids du témoignage familial

Dans le centre de Lens, ville marquée par l’Histoire, les guerres et la Déportation, Marie-Claude, 72 ans, promène son animal favori. L’aïeule raconte l’histoire de son oncle. Il a été déporté pour faits de résistance. « Tonton Maurice n’a pas été à Auschwitz mais à Buchenwald. Ce qu’il a vécu là-bas, il n’en parlait jamais, sauf une fois ». La jeune fille de l’époque est médusée : « Un soir, il m’a montré son numéro tatoué sur le bras. C’est mon seul souvenir direct de cette époque. »

Le 25 janvier 2025 est le 80e anniversaire de la découverte d'Auschwitz-Birkenau.
Pénible image de la libération des rares rescapés de l’horreur des camps.

Un peu plus loin, Jacques, 84 ans, partage une expérience encore plus personnelle. « Mes parents étaient juifs. Ils ont été arrêtés à Paris en 1942. On les a envoyés à Auschwitz. Je n’ai jamais eu la chance de les connaître ». Ses yeux s’embuent. « Les souvenirs ne s’effacent pas, même après 80 ans. Parfois, j’ai l’impression que tout le monde a oublié cette période sombre de notre histoire ».

Renforcer la transmission

Dans les rues pavées d’Arras, la capitale du Pas-de-Calais, des passants évoquent les commémorations officielles. « Je sais qu’il y a des cérémonies tous les ans. Honnêtement je n’y ai jamais participé », avoue Sophie, 40 ans. Elle joute : « Peut-être parce qu’on n’a pas de lien familial avec cette histoire. »

Pourtant, certains habitants prennent la mémoire très à cœur. Julien est enseignant d’histoire dans un lycée de la ville. Il insiste sur l’importance d’éduquer les nouvelles générations : « Le problème, c’est qu’avec la disparition progressive des derniers survivants, les jeunes ont du mal à se sentir concernés ». Pour ce professeur, « ce qui peut encore nous rapprocher de cette période, c’est l’histoire locale. Beaucoup ignorent que la région a été directement touchée par les rafles et les déportations ».

Une journée de réflexion

À travers ces échanges, une réalité se dessine : la mémoire d’Auschwitz-Birkenau, bien que vivace pour les générations ayant des liens familiaux directs avec cette tragédie, semble s’étioler chez les plus jeunes. Pourtant, ce triste anniversaire reste une opportunité cruciale pour rappeler l’ampleur de l’horreur…

Le 25 janvier 2025 est le 80e anniversaire de la découverte d'Auschwitz-Birkenau.
Les nazis fixaient leurs horreurs sur la pellicule.

Ce 27 janvier 2025, des commémorations ont lieu dans toute la France. À Lille, une conférence a été organisée par le Mémorial de la Shoah. A Arras, une projection du film Shoah, de Claude Lanzmann, a attiré une centaine de spectateurs. Dans les écoles, certaines classes participent à des ateliers sur l’importance du devoir de mémoire.

Ne jamais oublier

En 1945, lorsque les troupes soviétiques franchirent les portes du camp, le monde découvrit, avec horreur, l’ampleur du génocide perpétré par les nazis. Pourtant, à l’époque, la spécificité d’Auschwitz-Birkenau, comme principal lieu d’extermination des Juifs, n’était pas encore pleinement comprise.

Le 25 janvier 2025 est le 80e anniversaire de la découverte d'Auschwitz-Birkenau.
Les prisonniers partaient à la chambre à gaz entre 2 rangées de barbelés électrifiés.

Aujourd’hui, 80 après, alors que les derniers témoins s’éteignent, devoir de mémoire oblige, il faut continuer à transmettre leur histoire. L’oubli serait une seconde tragédie. Il ouvrirait la porte à la banalisation et au négationnisme.

En terminant cette promenade commémorative  dans les Hauts-de-France, une réalité s’impose. Celle de garder en tête les mots des rares survivants de cette hécatombe : « Tant qu’il y aura des gens pour se souvenir, Auschwitz ne sera pas réduit au silence. » Une réflexion à méditer, en ce jour de commémoration.

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