TILLOY-LEZ-MARCHIENNES

par Frédéric Pinchon

Le lundi 13 janvier 2025 marque une date importante au village. Tilloy-les-Marchiennes est une petite commune des Hauts-de-France. Le village totalise 530 âmes et 3 employés municipaux pour un petit budget de 320.000 euros. Le village est frappé par l’annonce brutale de la démission de Marie Cau. Il s’agit de la première maire transgenre élue en France en 2020. Son départ suscite des réactions contrastées parmi les habitants. Cela va du soulagement aux regrets, en passant par les critiques.

À l’unanimité en 2020

Marie Cau avait été élue à l’unanimité moins une abstention et avec une vision progressiste de la gestion locale. « Son programme était axé sur l’écologie, l’inclusion et le développement économique. On y a cru », admet Catherine Vandevalle, premier adjoint depuis douze mois. La moyenne d’âge des 15 élus tourne autour de la soixantaine.

L’équipe d’opposition du conseil municipal.

Selon plusieurs témoignages, la gestion de la commune s’est révélée tumultueuse au fil des ans. « Les projets tardaient à se concrétiser. La communication avec les administrés n’était pas optimale ». 6 conseillers municipaux sur 15 (dont 1 adjoint) ont démissionné en 2024. Depuis une semaine, Catherine Vandevalle occupe, de fait, le fauteuil de maire par intérim. L’élue est aussi la principale opposante à Marie Cau. « Jusqu’à son départ, on se parlait mais seulement à la mairie. Il y a des tensions importantes au sein du conseil. Des choix nous opposent », confie-t-elle.

La goutte de trop !

Depuis un moment, le local de la salle des fêtes et le développement des salons municipaux, mettent le feu aux poudres. Le site actuel est en mauvais état. « La maire a décidé, avec quelques conseillers, d’investir 750.000 euros dans l’achat d’un bâtiment inexploitable car en travaux ! », s’indigne Catherine Vandevalle. Soutenue par la comcom, la vente finale pourrait être effective l’an prochain « si d’ici là la commune arrive à payer ses échéances ». Problème : « Le bâtiment valait 500.000 euros car en liquidation judiciaire ».

Frédéric Uytterhaegen occupe le poste de troisième adjoint depuis 2024. Selon lui, « Madame Cau n’a pas consulté la population comme elle l’avait promis. Une réunion publique devait être organisée. Le conseil municipal lui a manifesté son désaccord ». Interrogée, la Tillotine Ludivine livre la même version des faits. Enfin, au village, selon une rumeur persistante, vendeur et acheteur se connaîtraient bien…

Marie Cau ne fait pas l’unanimité…

Selon la première adjointe, « en répression à notre refus, la maire en minorité a déclaré qu’elle ne se représentera pas en 2026 ». Son collègue brandit un papier : « Elle l’a écrit en annonçant sa démission le 14 janvier ». Effectivement, Marie Cau s’est fendue d’une lettre à la population. Elle y évoque la précarité du statut de maire ; les contraintes liées à la réforme des retraites ; l’exposition aux incivilités ; la diminution des moyens financiers ; des tensions avec son équipe et son désaccord avec le gouvernement sur la gestion municipale.

Poursuites judiciaires

Dans la foulée de son départ précipité, Marie Cau abandonne des poursuites en diffamation, précédemment lancées. « Une procédure judiciaire avait été engagées contre 6 conseillers de l’opposition dont nous-mêmes », révèlent MM. Vandevalle et Uytterhaegen. « Selon Madame Cau, son travail de maire a été remis en cause par notre tract sur le déneigement des routes et la hausse de la taxe foncière ». Cependant le tribunal avait préalablement classé le dossier…

Rififi sur les bancs des élus municipaux.

A 31 ans, Matthieu Marchio est député de la 16e circonscription du Nord. Tilloy-lez-Marchiennes est sur son territoire. C’est son second mandat. Il connaît un peu la maire démissionnaire. « Nous avons eu des relations courtoises et républicaines », dit le parlementaire. « Nous avons travaillé sur des dossiers tels le bouclier tarifaire ou la facture énergétique. Je suis intervenu une fois, à sa demande, auprès d’un ministre ». Matthieu Marchio n’a pas perçu de malaise particulier au sein du conseil municipal : « Mon rôle ne consiste pas à me mêler de la vie interne des communes de ma circonscription ».

La maire botte en touche

Priée de réagir par téléphone, à l’improviste, samedi, Marie Cau semble surprise par l’appel de la presse. Elle balbutie : « Je suis en train de déménager. Je ne peux pas parler ». Puis elle raccroche ! Pourtant, elle a initialement annoncé quitter le poste de maire mais rester au conseil. Les jours suivants, son téléphone sonne dans le vide. Au village tout le monde se connaît. « Sa maison est au centre de la commune. Aucun camion de déménagement n’y a été vu », sourit Frédéric Uytterhaegen.

Le parcours de Marie Cau reste néanmoins historique. En devenant maire de Tilloy-lez-Marchiennes, elle a marqué un tournant dans l’histoire politique française. En 2020, son élection au premier tour, a attiré l’attention des médias du monde entier. Les questions de genre, bien que présentes, n’ont pas suffi à définir un mandat municipal. Dans cette cité nordique, les attentes sont, avant tout, pratiques et locales.

Un nouveau maire ce jeudi

Conformément à la loi, une élection complémentaire est prévue jusqu’en 2026. Ce sera ce jeudi 23 janvier, à 19 heures, à la mairie. Objectif : procéder à l’installation du nouveau bureau et du premier magistrat. « J’ai décidé de briguer le poste de maire », conclut Catherine Vandevalle. Verdict des urnes jeudi à 19 heures à la mairie.


Catherine Vandevalle
devient maire à la majorité absolue


L’élection complémentaire du nouveau maire et de ses 3 adjoints s’est déroulée jeudi soir, à la mairie. Une trentaine de villageois était là mais pas le maire sortant et son équipe. Le quorum de la majorité des élus + 1 a cependant été atteint. Grâce à 2 membres du groupe de Marie Cau qui se sont ralliés à leurs collègues. Il y avait donc 8 conseillers municipaux présents sur 15 élus.

La séance a été managée par le doyen d’âge Jacques Coget. Ont été élus : Catherine Vandewalle, 59 ans, maire ; Frederic Uytterhaegen, 60 ans, 1er adjoint ; Veronique Fruchart, 63 ans, 2e adjoint et Marie-Laure Laloy, 42 ans, 3e adjoint. Le nouveau premier magistrat a annoncé une baisse de son indemnité de 30 % « compte-tenu de la conjoncture actuelle ». Pendant la séance, le nom de Marie Cau n’a pas été abordé. Idem pour le conflit lié au rachat de la salle des fêtes à 750.000 € pat la commune bien qu’en liquidation judiciaire à 500.000 €.

La séance a duré trente minutes. L’élection de la nouvelle équipe municipale a été suivie par le verre de l’amitié.

F.P.

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