LENS

par Frédéric Pinchon

Le maire de Lens (Pas de Calais), Sylvain Robert, a tiré la sonnette d’alarme. Il a écrit au ministre de l’Intérieur pour demander des renforts pour la police nationale. Dans sa lettre, il dénonce une situation sécuritaire. Il la qualifie « d’inacceptable ». Le premier magistrat évoque « une recrudescence des actes de délinquance et un climat d’insécurité grandissant ».

La missive du maire de Lens à Bruno Retailleau est datée de lundi. Dés la première ligne, le ton est lancé : « Monsieur le ministre de l’Intérieur, réagissez ! ». On lit ensuite : « Le rapport de la Cour des comptes du 13 janvier évoque des sureffectifs dans les commissariats de Maubeuge et Cambrai (ndlr : Nord). Pendant ce temps, sur notre territoire et selon les syndicats, il manquerait une centaine de policiers pour assurer la sécurité des Lensois. Comment rester silencieux face à une telle aberration ? »

Le maire de Lens continue ainsi : « C’est une injustice inacceptable ! Cela fait des années que j’alerte sur l’urgence de renforcer les effectifs dans notre ville. Et aujourd’hui, je découvre que certains commissariats bénéficieraient de trop de ressources pendant que d’autres sont laissés pour compte. Nos forces de l’ordre effectuent un travail remarquable, mais ne peuvent répondre aux besoins croissants. Je demande, encore une fois, des renforts pour notre ville ».

Motus à la mairie

Face à cette situation, élus, forces de l’ordre, habitants et commerçants, partagent des points de vue variés sur la réalité du terrain. Prié de s’exprimer jeudi, sur sa prose, le maire de la capitale de l’ex-Bassin-minier n’a pas souhaité rencontrer la presse. Son service communication a répété inlassablement : « Silvain Robert parlera quand il aura reçu une réponse du ministre de l’Intérieur ». On n’en sera pas davantage…

Alors direction le commissariat de la police nationale de Lens. Ici non plus, point de déclaration officielle pour l’instant. « Il est fréquent que des élus contactent le ministère de tutelle. À chaque fois, ils réclament davantage de moyens », tempére un gradé chargé de la communication. Difficile de savoir si l’effectif de la police nationale lensoise est au complet : « Comme partout ça va et ça vient selon les services ».

Des Lensois inquiets

Promenade dans les rues du centre-ville. Les passants ne cachent pas leur inquiétude. Certains expriment un réel sentiment d’insécurité. « Je n’ose plus sortir tard le soir », confie Sophie, 34 ans et mère de 2 enfants. La lensoise ajoute : « Il y a trop de regroupements dans des quartiers comme à la Grande résidence (ndlr : la zup). On entend parler de cambriolages ou d’agressions presque chaque semaine. »

D’autres, comme Michel, retraité de 67 ans, relativisent : « Ce n’est pas pire qu’avant. On parle beaucoup de ces problèmes. Je me sens plutôt en sécurité. Les médias amplifient peut-être la situation.» Néanmoins, il reconnaît avoir modifié des habitudes, « évitant certaines rues le soir ».

Commerçants en première ligne

Les commerçants sont souvent les témoins directs de l’activité des rues. Ils partagent des avis nuancés. Marie est propriétaire d’une boutique de vêtements en centre-ville. Elle se montre préoccupée : « On assiste à une hausse des vols à l’étalage ». La lensoise se sent frustrée : « Quand on attrape quelqu’un, il est parfois vite relâché. »

De son côté, Karim tient un café non loin de la gare. L’homme se dit plutôt rassuré par la présence policière : « On voit régulièrement des patrouilles. Cela calme un peu les tensions ». Selon lui, « certaines zones mériteraient d’être mieux surveillées, surtout le soir ».

Les policiers témoignent

Sous couvert d’anonymat, 2 policiers lensois croisés en ville, ont accepté de parler de leur quotidien. L’un d’eux est en poste depuis dix ans. Il confirme des effectifs insuffisants : « On fait ce qu’on peut mais on est débordés. On gère tout, des incivilités aux délits plus graves ». Pour ce représentant de la loi, « Ce n’est pas juste un souci de moyens humains. C’est aussi une question de politique pénale ».

Son collègue ajoute : « Le maire a raison de demander des renforts. Certains quartiers sont difficiles à gérer ». Un policier dit : « On sent que la tension monte. Pourtant, on est attachés à cette ville. On aimerait pouvoir en faire plus pour les habitants. »

Problèmatique complexe

La lettre de Sylvain Robert met en lumière une problématique complexe. Elle mêle sentiments subjectifs et réalités objectives. Certes, pour des habitants, la situation n’est pas si alarmante. En revanche, d’autres (notamment commerçants et forces de l’ordre), plaident pour une intervention rapide.

Le ministre de l’Intérieur n’a pas encore répondu publiquement à l’appel du maire. La situation à Lens pourrait bien s’inscrire dans un contexte national. En effet, de nombreuses villes moyennes réclament davantage de soutien en matière de sécurité. En attendant, les Lensois continuent à vivre leur quotidien. Il oscille entre inquiétude et résilience. « On aime notre ville », conclut Sophie « mais on voudrait qu’elle redevienne un lieu où chacun se sente en paix, de jour et comme de la nuit ». Qui vivra verra !

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