COMMERCE

par Frédéric Pinchon

Dans les allées bien rangées du légendaire magasin Boulanger, à Noyelles-Godault, entre Lens et Douai, le silence est trompeur. Les téléviseurs dernier cri scintillent. Les rayons de petit électroménager sont impeccablement fournis. Cependant, derrière les sourires des vendeurs, se cache une inquiétude croissante.

Depuis plusieurs mois, le secteur de l’électroménager français traverse une zone de turbulences. En 2025, plusieurs fermetures d’établissements Boulanger et Darty sont annoncées ou en réflexion. Certaines surfaces, en France, ont déjà mis la clé sous la porte…

Un modèle en fin de vie

Créés dans les années 1970 et 1980, ces géants de l’électroménager et du multimédia, se sont implantés en périphérie des villes. Souvent ils sont accolés aux centres commerciaux. Sur le territoire et aux abords de l’ex-Bassin minier du Pas-de-Calais, Boulanger et Darty font partie du décor : Lens, Arras, Noyelles-Godault… Depuis un demi-siècle, ces enseignes ont accompagné des générations de ménages. Aujourd’hui, le modèle semble à bout de souffle…

La concurrence ne vient plus seulement des soldes de l’enseigne voisine mais d’Internet et ceci de jour comme de nuit. En quelques clics, le consommateur accède à une offre quasi illimitée. Les plateformes chinoises comme Temu ou Aliexpress, cassent les prix et livrent vite, souvent gratuitement. Amazon reste omniprésent, tout comme d’autres discounters numériques.

Le défi du net

Même Tayara (Tunisie), encore peu connu en France, attire une clientèle avide de bonnes affaires. Parallèlement, les sites de seconde main comme Leboncoin, détournent une part non négligeable du marché. Acheter un lave-linge d’occasion à moitié prix séduit de plus en plus de foyers. Dans une moindre mesure, les magasins Action font aussi du tort aux professionnels de l’électroménager.

Des employés sont inquiets. Au magasin Boulanger de Lens 2, un vendeur en téléphonie confie à demi-mot sa crainte :

« On sent bien que les ventes diminuent. Les clients viennent parfois voir le produit ici, puis ils l’achètent en ligne. On a de moins en moins de marge. »

Un de ses collègues, plus direct, ajoute :

« Si les fermetures se confirment, on n’est pas sûrs de garder notre place. C’est dur, on a donné des années à l’entreprise. »

La situation est d’autant plus complexe, que l’enseigne Electro Dépôt, souvent perçue comme une alternative, appartient… à Boulanger ! Elle joue le rôle du “discount maison”. Cependant elle aussi doit affronter la pression des sites étrangers.

Des clients partagés

Côté consommateurs, le constat est nuancé. Marie, 48 ans, croisée chez Boulanger, à Noyelles-Godault, continue de privilégier l’achat en magasin :

« Je préfère voir le produit, le toucher, avoir un vendeur qui m’explique. Et si ça tombe en panne, je sais où aller. »

À l’inverse, Kamel, 32 ans, abordé chez Darty, à Bruay-la-Buissière, avoue sans détour qu’il achète désormais presque tout en ligne :

« Franchement, je compare les prix. Sur Internet, c’est souvent 20 à 30 % moins cher. Et je suis livré en quelques jours. Si je ne suis pas satisfait le retour est gratuit. »

Ces visions illustrent le dilemme auquel font face Boulanger et Darty : comment maintenir un service de proximité quand la bataille des prix est perdue d’avance ?

Dans les Hauts-de-France, la disparition éventuelle de ces magasins ne serait pas anodine. Ils font partie du paysage économique local. Ces dinosaures d’antan emploient des centaines de salariés… Leur implantation, symbole de modernité et de consommation à l’époque de leur ouverture, pourrait bien devenir un vestige d’un autre temps.

Un tournant pour le territoire

Alors que les enseignes multiplient les annonces de réorganisation, une certitude se dessine : le consommateur, lui, a déjà changé ses habitudes. Pour Boulanger et Darty, la survie passera par une profonde réinvention ou par une lente disparition.

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