JUSTICE
par Frédéric Pinchon
Dans une affaire pour le moins surprenante, Lauryne 33 ans et femme d’un gendarme, en Tarn-et-Garonne, victime d’adultère, se retrouve condamnée au tribunal correctionnel de Montauban. C’était le 11 mars dernier. La plaignante a tenté de se servir d’un message envoyé par la maîtresse de son mari. La femme bafouée pensait, tout simplement, prouver l’infidélité de l’époux et obtenir le divorce. Mais la situation s’est retournée contre elle. Non seulement les juges n’ont pas retenu son argumentation mais elle a été condamnée pour violation de la vie privée. Etonnant que son défenseur ne l’ait pas avertie au préalable…
Une démarche logique
L’histoire commence quand cette femme découvre, sur la montre connectée de son époux, des échanges explicites avec une autre femme. Convaincue de pouvoir utiliser ces messages comme preuve de l’infidélité du mari, elle les présente à la barre, lors de la procédure de divorce. Sa démarche semble logique : en France, l’adultère peut constituer une faute au civil dans une procédure de divorce pour faute. Il est souvent indispensable d’apporter des preuves pour convaincre le juge. Jadis, en France, l’infidélité pouvait même être punie de prison. C’est toujours le cas dans des pays du Maghreb.

Cependant, le tribunal de Montauban n’a pas suivi la femme trompée. Pour les juges, les preuves obtenues, en consultant sans autorisation le téléphone du mari, constituent une atteinte caractérisée à la vie privée. Primo, l’infidélité n’a pas été retenue comme motif suffisant pour prononcer le divorce aux torts exclusifs du mari. Secundo, la femme cocufiée a été condamnée pour avoir violé la vie privée de son époux.
La loi c’est la loi !
Interrogé sur les implications juridiques de cette affaire, Maître Jean Renoir, avocat spécialisé en droit de la famille, à Nice, dit : « Ce cas est un rappel cruel mais important des limites de la collecte de preuves, dans le cadre d’une procédure de divorce. En France, le respect de la vie privée est un droit fondamental. » Pour cet avocat, « même dans un contexte d’adultère, ce droit ne peut être pas enfreint. L’accès non autorisé à un une montre connectée, un téléphone ou à des données personnelles, constitue une violation de la loi, indépendamment du contenu découvert ».

La jurisprudence tend à montrer que les juges sont extrêmement stricts sur le respect de la vie privée « même dans des situations douloureuses comme l’infidélité », rappelle l’avocat niçois. Chaque cas est bien entendu spécifique. Cependant, cette affaire illustre la ligne de conduite des tribunaux français. Selon Maître Jean Renoir, « le droit est clair : la preuve ne peut pas être obtenue à n’importe quel prix. »
« La fin ne justifie pas
les moyens »
Maître Emmanuel Riglaire est avocat au barreau de Lille. Il dirige Treille avocats. C’est lui qui a révélé l’affaire sur le réseau social LinkedIn. Contacté, dimanche soir, il pense comme son confrère : « Le droit à l’intimité de la vie privée concerne aussi l’epoux ou épouse. La seule atteinte admissible pour s’affranchir de le respecter, doit être d’un intérêt supérieur au droit bafoué. » Selon ce docteur et maître en droit privé, « ici les juges considèrent que prouver l’infidélité de son conjoint n’est pas supérieur à ce droit. L’infraction n’est donc pas justifiée, d’où la condamnation ». Et Maitre Emmanuel Riglaire de conclure : « La fin ne justifie pas les moyens. »
Quant aux précédents, des cas similaires ont déjà été jugés en France. En 2015, une femme a été condamnée pour des faits analogues. Elle avait utilisé les mails de son mari infidèle. Ce dossier pourrait relancer le débat sur les limites entre preuve légitime et respect des droits individuels dans le cadre d’un divorce pour faute. Finalement, cette affaire, c’est un peu l’histoire de l’arroseur arrosé…
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